La RERL sensibilise

Rencontre avec Mmes C. FABRE et V. HAMMERER

Suite aux échanges avec Madame Bérangère COUILLARD, La RERL rencontre Mesdames les Députée Catherine FABRE et Véronique HAMMERER afin d’évoquer la Prestation Compensatrice du Handicap (PCH). Sont de nouveau abordés les nombreux restes à charge non considérés par la PCH, notamment pour les employeurs particuliers en situation de handicap. Comment pourrions-nous répondre à cette problématique d’un point de vue législatif ?


Contexte de la rencontre

Je rencontre ce jour, Madame FABRE et Madame HAMMERER, membres de la Commission des Affaires Sociales, afin de les sensibiliser sur les problématiques de la PCH et plus particulièrement celle des restes à charge liés à l’emploi direct.
Madame HAMMERER est spécialisée dans les domaines du handicap, des personnes âgées et de l’autonomie. Madame FABRE est plutôt spécialisée dans les domaines de la formation, de l’apprentissage et de l’emploi.
Cette rencontre a été suggérée par Madame COUILLARD dans le but de coécrire un courrier à Madame CLUZEL sur cette problématique avec ses deux collègues.

Je signale que nous sommes nombreux à être concernés par cela et déterminés à interpeller les députés de tout département !

Je présente rapidement ma situation :
Il y a une dizaine d’année, je suis devenu employeur particulier, après avoir fait appel à un service prestataire durant presque deux ans. En effet, il était difficile d’avoir un planning stable et convenable avec un turnover de salariés importants. Parfois, lors d’absence d’un salarié, les prestations ne pouvaient être assurées et si elles l’étaient, le remplaçant était rarement formé à me manipuler. De plus, les horaires étaient peu flexibles ce qui complexifiait davantage mon organisation, mon autonomie et ma vie sociale. Pour toutes ces raisons, les services prestataires n’étaient pas adaptés à mes besoins. Je constate que la situation se dégrade avec le temps…
Avec ces années d’expérience et le recul sur l’emploi direct, j’ai pris conscience de l’ampleur du poids des restes à charge s’accumulant au fil du temps. Une charge financière qui nous conduit régulièrement à être hors cadre légal, n’ayant pas les moyens de l’assumer. Nous sommes en grande difficulté face à cela, plus encore lorsque l’on a pour seul revenu l’AAH… Cela contribue à la précarisation des personnes handicapées pouvant même aller jusqu’à l’endettement.
J’ai ainsi appris à mes dépends que la PCH en Aide Humaine ne couvrait pas l’intégralité des frais liés à la dépendance. En effet, une partie des coûts réels immédiats (salaires et charges patronales) sont pris en charge, mais pas l’intégralité des coûts totaux.

Notre statut d’employeurs nous impose de respecter la réglementation et le code du travail afin de garantir les droits de nos salariés. Nous gérons notre dépendance à travers nos plans d’aide comme de véritables entreprises sans chiffre d’affaires, ni bénéfices pour financer nos restes à charge (Annexe 1). Pourtant, les services prestataires bénéficient d’un tarif prenant en compte leurs coûts de fonctionnement !

Focus rapide sur la PCH en Aide Humaine

La Prestation Compensatrice du Handicap sur le volet de l’Aide Humaine propose plusieurs modalités de paiement :
  • Le service prestataire : une association ou une entreprise agréée propose une prestation de service à domicile. Elle est censée être plus sécurisante puisque le bénéficiaire ne s’occupe de rien et est assuré d’avoir toujours un intervenant. Dans les faits, ce n’est pas toujours le cas, les horaires sont peu flexibles et l’absentéisme est important.
  • Le service mandataire : il est chargé du recrutement et des tâches administratives, en revanche le bénéficiaire est l’employeur.
  • L’emploi direct : le bénéficiaire s’occupe du recrutement, des tâches administratives et prend donc à sa charge l’ensemble des démarches qui incombent à l’employeur.
  • L’aidant familial que nous laisserons ici de côté.

Les bénéficiaires des services mandataires et de l’emploi direct sont considérés comme employeurs particuliers.

Les tarifs horaires de prise en charge de ces trois modalités de financement sont différents. Les services prestataires sont plus coûteux pour les départements, avec un tarif horaire actuel minimum de 18,25 euros (une revalorisation du tarif socle à 22 euros est prévue au 1er janvier 2022), mais en contrepartie ils sont plus faciles à contrôler.
De plus en plus de bénéficiaires choisissent de devenir employeurs particuliers avec toutes les charges et les risques que cela comporte. Le taux horaire financé par les Conseils Départementaux (14,33 euros en emploi direct, 15,76 euros en service mandataire) est nettement moins important. Des économies conséquentes sont donc réalisées.

Le montant estimé du coût des restes à charge de l’emploi direct par rapport à l’économie réalisée est minime. Je présente la situation où l’ensemble des employeurs particuliers choisissait de faire appel à un service prestataire. Cela deviendrait compliqué tant au niveau social qu’économique. En effet, les services prestataires n’auraient pas les moyens humains d’assumer tous ces plans d’aide, et le surcoût demandé aux Conseils Départementaux serait non négligeable. La raison me pousse à penser que la prise en compte des restes à charge de l’emploi direct (entièrement dus à la dépendance) serait la solution la plus équitable pour chaque partie.

Les restes à charge liés à l’emploi direct

Le contexte ayant été posé, Madame HAMMERER m’interroge sur les restes à charge : sont-ils constants ou évoluent-ils d’année en année ? Il est difficile de répondre à cette question qui symbolise toute la complexité du problème. En effet, les restes à charge ne sont pas toujours immédiats et leurs montants peuvent évoluer selon l’ancienneté (Annexe 1).
En analysant la liste fournie en annexe, on identifie quatre types de restes à charge :
  • Ceux que l’on peut identifier sur un mois et qui sont fixes d’année en année comme les jours fériés
  • Ceux que l’on peut identifier sur une année comme la médecine du travail (même si cela dépend du nombre de salariés), les remplacements pour congés, …
  • Ceux qui sont ponctuels et impossibles à anticiper comme les primes de précarité de fin de CDD pour pallier à l’absentéisme (arrêts maladie, les congés maternité…)
  • Ceux qui sont ponctuels et dont les montants évoluent au fil de l’ancienneté du salarié (les fins de contrat). Ceux-là difficilement anticipables peuvent atteindre des montants extrêmement conséquents…
J’illustre mon propos en prenant l’exemple d’un salarié, en arrêt de travail, que je dois licencier pour inaptitude. La réglementation impose de verser à mon salarié une indemnité de licenciement (qui est le double de l’indemnité de licenciement légale ordinaire), et celle-ci sera à ma charge.

Certaines personnes risquent l’endettement et contractent parfois des crédits afin de payer ces dettes. Sur les réseaux sociaux, il y a de nombreux témoignages de bénéficiaires dont les restes à charge sont importants. Nous demandons simplement à ce que l’intégralité du coût de notre dépendance soit prise en compte et qu’elle ne soit plus un poids supplémentaire à nos quotidiens déjà difficiles. Il est anormal et injuste de devoir dédier une partie non négligeable de nos ressources à cela.

Madame HAMMERER m’interpelle sur le cas du décès de l’employeur. Je réponds que l’indemnité légale de licenciement dans ce cas précis est la même que pour un licenciement ordinaire, mais qu’il nous faut prendre aussi à notre charge les deux mois de préavis de licenciement non couverts par la PCH.

Madame FABRE me questionne sur la prise en charge des salaires. L’intégralité des salaires et des cotisations patronales sont à ce jour pris en charge par la PCH jusqu’à un certain montant. Si nous souhaitons rémunérer davantage une auxiliaire de vie, ce sera à nos frais. Je précise néanmoins qu’il est parfois difficile de trouver des personnes acceptant de travailler au tarif de la PCH…

Madame FABRE estime qu’il est important qu’elles soient interpellées sur ces problématiques dont elles n’avaient visiblement pas conscience. Selon elle, il s’agit d’un inconsidéré de la politique publique. Il est évident que les cas de fin de contrat sont la plus grosse cause de risques financiers.

Elle résume cela : La PCH est censée couvrir les coûts de personnel, cependant il y a un certain nombre de coûts cachés non pris en compte. Il est clair qu’il s’agit d’un impensé et qu’une alerte doit être posée. Je fais part des conclusions que je tire de mes précédents entretiens : les Conseils Départementaux nous laissent sciemment cette problématique à charge. Au niveau national, la réflexion se fait peut-être en termes de législation et d’égalité, mais au niveau local ils appliquent la loi et ce sont les contraintes budgétaires qui priment.

Madame FABRE me demande si ces risques sont couverts dans d’autres départements ? À ma connaissance, aucun département ne prend en considération les restes à charge de l’emploi direct. Lorsque j’ai rencontré Monsieur SAINT-PASTEUR (conseiller départemental de la Gironde), j’ai proposé que nous travaillions à une solution qui constituerait une très belle vitrine pour notre département. Des pistes locales avaient été envisagées, mais la solution doit passer par le législatif afin que tout le monde puisse en bénéficier. Il ne peut plus y avoir de disparités sur les prises en charge PCH en fonction des départements.

Madame FABRE explique qu’il s’agit de toute la limite de la décentralisation, cela crée beaucoup d’inégalités de droits sur le territoire. J’estime que cela est contraire aux valeurs du service public qui doit garantir un service équitable à tous les citoyens Français sur l’ensemble du territoire. Nous nous accordons tous les trois sur ce fait.

Madame FABRE souhaite obtenir un recueil de diverses situations concrètes illustrant la problématique des restes à charge. Cela donnerait de la force aux arguments présentés lorsque le sujet sera l’étude. Elle souhaite également étudier l’aspect juridique afin d’examiner la façon dont on pourrait actuellement couvrir ces risques. La finalité serait de définir comment aborder la question de manière politique.

Des perspectives futures pour la PCH en Aide Humaine

Nous poursuivons la discussion autour de la PCH en Aide Humaine. Madame FABRE s’interroge sur la détermination du périmètre de prise en charge de la PCH. La loi définit et encadre la PCH mais ce sont les Conseils Départementaux qui sont en charge de de son application et de son financement.

Madame HAMMERER estime que les textes autour de la PCH doivent être retravaillés, notamment autour de ses critères. Elle pointe de nouveau le problème des disparités de financement entre les départements.

Afin de réaliser un travail de fond sur la PCH, Madame CLUZEL a initié une étude avec cinq départements dont celui de la Gironde. En effet, de nombreux critères autour de l’aide humaine n’ont plus bougé depuis plusieurs années. Il faudrait, par exemple, une meilleure prise en charge des personnes avec un handicap psychique.

Je propose à Madame HAMMERER de nous intégrer à ce travail et cette réflexion. L’idée lui paraît intéressante, elle prévoit donc d’aborder notre discussion avec Madame CLUZEL afin d’organiser un temps d’échange avec le cabinet de la ministre. Cela nous permettrait de partager notre vécu, nos expériences, nos idées et notre vision. En effet, il n’est pas uniquement question de finance mais aussi de l’application au sein des départements… Certains départements ont des politiques très fortes en matière d’aide à l’autonomie, là où d’autres sont moins investis !

Dans le but de mettre en évidence ces disparités existant sur le territoire Français, Madame HAMMERER explique que le gouvernement souhaite mettre en place un observatoire de données afin d’obtenir une vision globale sur l’APA et la PCH. Effectivement, nous sommes à ce jour incapable d’obtenir des données chiffrées sur les bénéficiaires de ces prestations puisque les compétences sont déléguées aux départements

Madame FABRE rejoint sa collègue sur le fait d’interpeller Madame CLUZEL sur ces questions et prendre part à cette réflexion en cours. Selon elle, la PCH devrait nous donner les moyens d’employer des auxiliaires de vie pour nous aider à être autonome au quotidien, tout en étant intégralement couverts !
Aussi, elle trouve intéressant l’analyse au niveau des tarifs horaires. Même en étant plus chers, les services prestataires bénéficient de négociations pouvant parfois atteindre des tarifs horaires jusqu’à 30 euros. Concernant l’emploi direct, nous n’avons aucune marge de manœuvre… C’est pour cela qu’une de mes propositions était de créer un groupement de particuliers employeurs reconnu par les instances officielles et apte à négocier les tarifs horaires. Selon certaines estimations, une augmentation entre 2 et 2,50 euros du tarif horaire permettrait de couvrir nos restes à charge. Je souligne que malgré cette hypothétique augmentation, le tarif horaire serait toujours très en dessous de celui des services prestataires

Madame FABRE s’étonne que seuls les services prestataires aient bénéficié d’une revalorisation du tarif socle. Elle trouve étonnant que les écarts de tarif soient si importants ! Dans un premier temps, Madame HAMMERER justifie cette différence par des coûts de fonctionnement que n’auraient pas les employeurs particuliers. Avec notre discussion, elle comprend que les employeurs particuliers ont aussi des charges supplémentaires qui ne sont actuellement pas prises en compte. Elle n’imaginait pas que ces restes à charge soient si importants.

Conclusion

Madame FABRE précise qu’il est important qu’elles aient été alertées sur ces problématiques. En revanche, elle prévient que les solutions ne seront pas immédiates d’autant plus que les arbitrages budgétaires ont déjà été réalisés. Nous devons porter le sujet et faire en sorte qu’il soit connu en alertant les bonnes personnes ! Même si aucune promesse ne peut être faite…
Madame HAMMERER est très attachée à la démarche participative citoyenne, elle souhaite inclure les associations au travail engagé avec les cinq départements, dont le collectif de la RERL (La République en Roues Libres). Pour cela, elle compte faire part de cette problématique au cabinet de Madame CLUZEL en organisant éventuellement une visioconférence.

Pour ma part, le sujet n’est pas nouveau, nous saurons nous montrer patients et mobilisés tant qu’il y a des avancées et que nous entrevoyons des perspectives positives !


Perspectives

  • La République en Roues Libres
  • Préparer un recueil de témoignages illustrant la problématique des restes à charge
  • Constituer un groupe d’une dizaine de personnes afin de participer à un temps d’échange avec le cabinet de Madame CLUZEL
  • Madame FABRE, Madame HAMMERER
  • Alerter le cabinet de Madame CLUZEL sur la problématique des restes à charge
  • Organiser un temps d’échange avec le cabinet de Madame CLUZEL sur les critères de la PCH et particulièrement sur la problématique des restes à charge

Annexe 1 – Tableaux non-exhaustifs des restes à charge

Restes à chargeCoûtTemporalité
Congés des salariésCinq semaines par an et par salarié. Prime de précarité de 10 % de la durée du CDD.Annuel
Absentéisme diversPrime de précarité de 10 % de la durée du CDD.Ponctuel
Tableau récapitulatif des restes à charge liés aux remplacements en CDD
Restes à chargeCoûtTemporalité
Départ à la retraite, Déménagement de l’employeur, Refus de modification du contrat de travail, Licenciement en généralIndemnités correspondant à : 1/4 de mois de salaire (soit 1/12e de la rémunération annuelle) par année d’ancienneté pour les 10 premières années ou 1/3 de mois de salaire (soit 1/12e de la rémunération annuelle) par année d’ancienneté à partir de la 11e annéePonctuel
Inaptitude au travailLe double des indemnités légales de licenciement.Ponctuel
Décès de l’employeurIndemnités légales de licenciement, mais aussi le maintien de l’intégralité des salaires et charges patronales durant les deux mois de préavis de licenciement.Ponctuel
Rupture conventionnelleIndemnités légales de licenciement ainsi que 20 % de celle-ci en cotisations sociales.Ponctuel
Tableau récapitulatif des restes à charge liés aux indemnités de fin de CDI
Restes à chargeCoûtTemporalité
Médecine du travailEntre 70 et 100 euros par an et par salarié.Annuel
1er MaiMajoration du salaire de 100 % ce jour.Mensuel
Jours fériésMajoration du salaire de 10 % chaque jour férié prévu par la nouvelle convention collective.Mensuel
FormationCoût de la formation et remplacements du salarié formé.Ponctuel
Tableau récapitulant d’autres types de restes à charge
La RERL

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