Rencontre avec Mme Bérangère COUILLARD

La RERL rencontre Madame la Députée Bérangère COUILLARD afin d’évoquer la Prestation Compensatrice du Handicap (PCH). L’échange se porte principalement sur les nombreux restes à charge non considérés par la PCH, notamment pour les employeurs particuliers en situation de handicap. Sont également abordés la déconjugalisation de l’AAH ainsi que l’obligation vaccinale pour les salariés du particulier employeur.

Présents :
  • Bérangère COUILLARD, Députée LaREM de la 7ème circonscription de la Gironde
  • Kévin PELLE, Collaborateur parlementaire de Madame Bérangère COUILLARD
  • Alex M. S., Membre de La RERL

PCH : Les restes à charge liés à l’emploi direct

En préambule, nous faisons un point sur la présentation qui a été faite le Lundi 5 Juillet 2021 à Kévin PELLE qui s’est chargé de rédiger une note synthétique à l’adresse de Madame COUILLARD.

Afin d’introduire la problématique, je décris les dysfonctionnements du service prestataire que j’ai eu à subir, mon choix de passer en emploi direct ainsi que les démarches effectuées auprès du Conseil Départemental. Je précise qu’à l’époque je n’avais pas connaissance de tout ce que cela impliquait en termes de législation, me contentant de payer les salaires et faire les déclarations URSSAF.

Quelques années plus tard, quand il a fallu faire face à des licenciements ou fins de contrat, je me suis retrouvé avec des restes à charge que je n’avais pas anticipés. J’explique trouver cela anormal qu’il n’y ait pas de prise en charge, puisque ce sont des restes à charge au titre de la dépendance, au même titre que les sommes versées à un service prestataire. Et ce, en dépit des économies conséquentes réalisées par les Conseils Départementaux en finançant l’emploi direct.

Madame COUILLARD argue que malgré les économies réalisées grâce à l’emploi direct, les Conseils Départementaux préfèrent privilégier les services prestataires afin de ne pas avoir à gérer les difficultés liées à l’emploi (licenciements, contrats…). Je rappelle que le tarif horaire de la PCH est bien plus important pour les services prestataires et pourtant il revient aussi à l’employeur particulier de gérer entièrement les démarches administratives. Les Conseils Départementaux ne s’occupent de rien et nous voulons absolument garder cette autonomie.

En revanche nous avons besoin d’aide pour financer les nombreux restes à charge. Est-il normal que les services prestataires soient payés jusqu’à 30 € de l’heure pour une piètre qualité de service souvent maltraitante alors que nous sommes payés beaucoup moins ?

Madame COUILLARD explique qu’il est compliqué pour le Conseil Départemental de prendre en charge des éventuels coûts de licenciement que nous pourrions avoir prenant l’exemple des licenciements abusifs. Je rappelle que les situations de licenciement sont très nombreuses et que ces licenciements abusifs ne représentent donc qu’une faible minorité des cas de licenciement. Très souvent nous sommes dans notre droit. J’illustre mon propos par des situations concrètes vécues par des particuliers employeurs (Annexe 1).

Je présente ensuite un exemple de proposition avec la création d’enveloppe créditée de 0,55 € par heure réalisée (estimation faite, probablement à affiner). Il y aurait donc un solde annuel cumulable d’année en année somme qui permettrait aux particuliers employeurs de financer les restes à charge sur présentation de justificatifs. Cela permettrait ainsi d’évaluer les situations de licenciement et d’écarter les licenciements dits « abusifs ». Le décès de l’employeur, les inaptitudes au travail, les CDD pour remplacement de vacances, la médecine du travail, … Tous ces cas sont justifiés, l’employeur n’a à ce titre aucun tort puisque ce sont des obligations légales.

Madame COUILLARD comprend l’intérêt de cette estimation qu’elle décrit comme étant une « assurance ».

Nous évaluons les situations présentées, notamment les situations un et trois, afin de comprendre d’où viennent ces montants conséquents et leurs impacts sur la vie des personnes concernées. Madame COUILLARD comprend clairement que les coûts augmentent selon l’ancienneté, que nous faisons face à des obligations légales et qu’il est aussi important de protéger le droit des salariés. Malheureusement, ces situations peuvent amener des personnes à faible revenu à s’endetter.

Madame COUILLARD résume et consent que nous faisons faire des économies aux Conseils Départementaux alors que ce dernier ne prend en charge que ce que nous coûte en temps réel l’employé sans prendre en compte le coût total (avec les restes à charges).

Pour étayer tout cela, je démontre graphiquement (Annexe 2) l’impact minime des restes à charge sur le budget, en rappelant que ces dépenses représentent peu au regard des économies conséquentes réalisées grâce à l’emploi direct. Nous demandons simplement une aide financière pour les restes à charge afin d’assumer pleinement notre statut d’employeur sans s’endetter et/ou léser nos salariés.

J’ajoute que si l’ensemble des personnes en service mandataire et en emploi direct décidaient de passer par des services prestataires, la situation deviendrait catastrophique à plusieurs niveaux :
  • Les services prestataires n’auraient pas les ressources humaines pour assurer le service dans le respect des plans de compensation et des choix de vie de chaque usager.
  • Ces changements auraient un coût exorbitant pour les Conseils Départementaux.
  • Cela aurait des conséquences sociales et sanitaires étant donnée la qualité des interventions dans de nombreux services prestataires.

Si la prise en compte des restes à charge peut sembler être à perte pour les Conseils Départementaux à court terme, dans les faits, c’est “du gagnant-gagnant”.

Pour conclure, Madame COUILLARD propose les actions suivantes :
  • Je rencontre les différents acteurs impliqués :
  • Monsieur Sébastien SAINT-PASTEUR, conseiller départemental de la Gironde en charge du handicap.
  • Monsieur Pierrick LAGARRIGUE, chargé au handicap de la mairie de Pessac. Selon Madame COUILLARD, il serait intéressant de lui faire part de ces problématiques, même si dans les faits, il ne peut avoir d’impact direct.
  • Madame Catherine FABRE, députée de la 2ème circonscription de la Gironde, très investie sur les sujets qui traitent du social (membre de la commission des affaires sociales).
  • Madame Véronique HAMMERER, députée de la 11ème circonscription de la Gironde, également très investie sur ces sujets (membre de la commission des affaires sociales).
  • Madame COUILLARD s’engage à écrire à Monsieur Sébastien SAINT-PASTEUR, conseiller départemental de la Gironde en charge du handicap. Elle estime qu’aujourd’hui il est le plus à même de pouvoir changer la situation. Elle précise aussi que cela ne relève pas du cadre législatif. En désaccord avec cela, je souhaite que mes propositions soient appliquées à tous les départements car c’est le périmètre de prise en charge de l’emploi direct qui est en cause. J’insiste sur l’importance de légiférer à ce niveau.
  • Madame COUILLARD s’engage donc à rédiger une question écrite à l’Assemblée Nationale ainsi qu’un courrier à Madame CLUZEL. Elle propose de coécrire ce courrier avec Madame FABRE et Madame HAMMERER, que je dois rencontrer prochainement estimant qu’elles seront plus « fortes à trois ». Je précise être disposé à rencontrer Madame CLUZEL par visioconférence si elle le souhaite.

La déconjugalisation de l’AAH

Je profite de cet entretien pour revenir sur la position de Madame CLUZEL au sujet de l’AAH en remettant en cause son manque d’ouverture. Madame COUILLARD met en avant le fait que cette décision a été guidée avant tout par des contraintes budgétaires, même si à titre personnel elle se dit favorable à la déconjugalisation de l’AAH.

Je fais le parallèle avec tout l’argent qui a été investi pour gérer la crise du Covid. Même s’il est difficile de justifier cet investissement conséquent bien qu’indispensable pour la suite, elle explique que la gestion de la crise du Covid est un investissement temporaire contrairement à la déconjugalisation de l’AAH qui serait un investissement pérenne.

Comprenant cet argument, j’insiste malgré tout sur l’importance de prioriser la vie et la dignité de la personne, sur l’argent. J’en profite pour rappeler la position de Madame COUILLARD sur la défense des femmes, en précisant que la déconjugalisation concerne aussi l’indépendance financière de nombreuses femmes vis-à-vis de leur conjoint. C’est l’une des raisons pour lesquelles Madame COUILLARD est favorable à la déconjugalisation de l’AAH, notamment pour les personnes handicapées à vie. Elle rappelle l’action de son gouvernement sur la durée des droits de la PCH pour les personnes handicapées à plus de 80 %.

Selon elle, il est en effet difficile de comparer l’AAH au RSA et il serait compliqué de donner l’allocation à quelqu’un dont le foyer gagne plusieurs milliers d’euros. J’invite à penser autrement qu’à travers le prisme de l’argent au risque de passer à côté de problématiques plus importantes comme les violences conjugales. Comment une femme battue par son conjoint pourrait-elle partir, obtenir un logement sans ressources ? J’insiste sur la difficulté à entreprendre des démarches sans revenus (matériellement, mais aussi psychologiquement). La personne touchant le RSA est en capacité de trouver du travail contrairement à certaines personnes handicapées dans l’incapacité de le faire.

Nous nous accordons sur tout cela et notamment sur le fait qu’on ne puisse pas reprocher à une personne qui ne peut pas travailler de ne pas le faire, et que cette allocation lui permet d’avoir de l’autonomie et un minimum de dignité.

L’obligation vaccinale pour les salariés du particulier employeur

Pour clôturer cet entretien, j’ai souhaité revenir sur l’article paru sur le site de l’AFM (Annexe 3).
Je précise que je n’obligerai pas mes employés à se faire vacciner, car j’ai besoin d’aide au quotidien et qu’il est extrêmement difficile de recruter des personnes. D’après l’article, si je les maintiens en poste alors qu’ils ne sont pas vaccinés, je m’expose à des sanctions. Dois-je licencier tout le monde et prendre le risque de me retrouver sans personne ? Madame COUILLARD affirme que les juges s’adaptent aux situations et que personne ne me condamnerait pour cela.

Cependant, l’article semble expliquer le contraire, et après sa lecture Madame COUILLARD comprend ma colère. Elle trouve en effet ces phrases extrêmement dures et mal tournées et ajoute qu’elles ne devraient pas apparaître sur un document comme celui-ci. Elle s’engage donc à prendre contact avec le ministère de la santé rapidement à ce sujet.


Perspectives

  • La République en Roues Libres :
  • Rencontrer Monsieur Sébastien SAINT-PASTEUR (conseiller départemental de la Gironde en charge du handicap)
  • Rencontrer Monsieur Pierrick LAGARRIGUE (Conseiller municipal (Pessac) délégué aux personnes en situation de handicap)
  • Rencontrer Madame Catherine FABRE (Députée LaREM de la 11ème circonscription de la Gironde)
  • Rencontrer Madame Véronique HAMMERER (Députée LaREM de la 2ème circonscription de la Gironde)
  • Madame Bérangère COUILLARD :
  • Rédiger un courrier à Monsieur Sébastien SAINT PASTEUR sur la problématique des restes à charge de l’emploi direct
  • Rédiger une question écrite à l’Assemblée Nationale sur l’aspect législatif
  • Rédiger un courrier à Madame Sophie CLUZEL (Ministre déléguée au handicap) coécrit par ses deux collègues Madame Catherine FABRE et Madame Véronique HAMMERER
  • Contacter le Ministère de la Santé au sujet de l’obligation vaccinale pour les salariés du particulier employeur

Annexe 1 – Quelques témoignages

Situation d’Aaron
Aaron est atteint d’une myopathie de Duchenne qui implique une perte de mobilité de l’ensemble du corps ainsi qu’une grave insuffisance respiratoire. Il bénéficie à ce titre d’un plan d’aides humaines par la PCH (Prestation Compensatrice du Handicap) de 24 heures quotidiennes soient 730 heures mensuelles. Depuis 10 ans, une équipe de 6 personnes intervient à son domicile.

Malheureusement, il décède des suites d’une infection pulmonaire. Sa famille se retrouve contrainte de licencier son équipe pour décès de l’employeur.

S’ils en ont les moyens, lui ou sa famille devront alors s’acquitter :

  • des deux mois de préavis pour l’ensemble des salariés représentant un montant de 20 746,60 euros
  • des indemnités de licenciement s’élevant au total à 22 922 euros

Un total s’élevant donc à 43 668,60 euros. Aaron n’ayant jamais travaillé, son héritage ne suffit pas à payer cette somme… Comme souvent, la famille se retrouve donc contrainte de refuser l’héritage de leur fils, laissant ainsi les salariés sans indemnités.

Situation de Noé

Noé est atteint d’une ASI (Amyotrophie Spinale Infantile) qui le prive également de la mobilité de son corps. Il bénéficie à ce titre d’un plan d’aides humaines par la PCH de 18 heures quotidiennes soient 548 heures mensuelles. Cela fait très exactement six années qu’il emploie la même équipe de 4 personnes qui se relaye à son domicile.

Afin de se rapprocher de sa famille, il doit déménager et changer de département. Malheureusement ses auxiliaires de vie ne peuvent le suivre, il n’a d’autre choix que de les licencier…

Ce licenciement lui coûtera 10 324,32 euros auxquels s’ajoutent 2 064,87 euros de cotisations sociales (20 % du montant de l’indemnité) s’il décide de proposer des ruptures conventionnelles. Pourtant, il ne vit que de l’AAH.

Situation de Marie

Marie bénéficie d’un plan d’aides humaines par la PCH de 6 heures quotidiennes soient 183 heures mensuelles pour l’accompagner au quotidien. Elle vit seule avec sa fille de 6 ans. Depuis douze ans, elle emploie la même personne.

Son employée a récemment été déclarée inapte au travail, elle devra donc la licencier pour inaptitude au travail.

Ce licenciement s’accompagne d’une indemnité importante puisqu’elle est doublée par rapport à une indemnité de licenciement classique. Marie devra s’acquitter de la somme de 14 572,37 euros malgré ses faibles revenus.

Situation d’Eve

Eve emploie plusieurs personnes à son domicile dont une à temps plein (174 heures mensuelles). Son employée, actuellement enceinte, sera indisponible pour une période d’environ 12 mois. Eve n’a d’autre choix que d’avoir recours à un CDD pour la remplacer.

À l’issue de ce CDD, elle devra s’acquitter de la prime de précarité correspondant à 10 % du montant brut total. C’est donc un montant de 2 622,53 euros qu’Eve devra verser à son employée en fin de contrat.

Eve n’a que l’AAH comme ressources.


Annexe 2 – L’emploi direct et le service mandataire : des économies pour le conseil départemental

Les données ayant permis de réaliser le tableau et les graphiques suivants sont issus du site https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/
Nous prendrons en compte les dernières données recensées à savoir le mois de Décembre 2019 en Gironde.

ED : Emploi Direct
SM : Service Mandataire
SP : Service Prestataires

Bénéficiaires et montants payés selon la modalité de l’aide humaine : des économies réalisables
Décembre 2019Emploi DirectService MandataireTotal
Nb de personnes payées pour service fait616122738
Montants versés pour service fait649 286,00 €196 380,00 €845 666,00 €
Tarif horaire14,04 €15,44 € 
Nb heure totale46 24612 71958 965
Nb heure moyen par personne75,08104,26 
Montant charges (0,55 €/h)25 435,30 €6 995,45 €32 430,75 €
Montant si heures effectuées en SP (17,77 €/h)821 791,42 €226 016,63 €1 047 808,05 €
Economies réalisées172 505,42 €29 636,63 €202 142,05 €
Tableau récapitulant les bénéficiaires et montants payés selon la modalité de l’aide humaine
Montant total aides humaines (*)6 064 220,00 €
Montant total aides humaines (SP/SM/ED)4 831 424,00 €
Tableau récapitulant les montants totaux des aides humaines

(*) Ce total inclue les montants versés pour toutes les modalités de l’aide humaine : le recours aux aidants familiaux, le recours aux services prestataires, le recours aux services mandataires, l’emploi direct et le forfait cécité et surdité.

En quelques graphiques

Si on incluait les restes à charge aux montant versés pour l’ED et le SM, ces charges ne représenteraient que 3,69 % du montant soit une augmentation de 3,84 % de ce budget.

Au niveau global, ces charges ne représenteraient que 0,53 % du montant soient une augmentation de 0,54 % du budget total de l’aide humaine.

En ne considérant que le budget  SP/SM/ED, ces charges ne représenteraient que 0,67 % du montant soient une augmentation de 0,68 % du budget de l’aide humaine.

Si l’ensemble des bénéficiaires de l’ED et du SM décidaient de partir en SP, cela représenterait un surcoût du budget total d’environ 202 142,05 € en plus de créer un véritable séisme social, ces services étant déjà saturés et en manque de personnel.

En finançant les restes à charge, qui représentent 16,04 % de ces économies, le Conseil Départemental conserverait malgré toute une économie de 169 711,30 € par mois.


Annexe 3 – Covid 19 et obligation vaccinale : alerte pour les particuliers employeurs

https://www.afm-telethon.fr/fr/actualites/covid-19-et-obligation-vaccinale-alerte-pour-les-particuliers-employeurs