Rencontre avec M. Sébastien SAINT-PASTEUR

La RERL rencontre Monsieur Sébastien SAINT-PASTEUR, Conseiller Départemental en Gironde, afin d’évoquer la Prestation Compensatrice du Handicap (PCH), plus spécifiquement en Gironde. L’échange se porte principalement sur les nombreux restes à charge non considérés par la PCH, notamment pour les employeurs particuliers en situation de handicap. Quel regard porte un Conseil Départemental sur cette problématique?


Les modèles de financement de la PCH en aides humaines

En préambule, Monsieur SAINT-PASTEUR m’explique avoir pris connaissance de ce dossier traitant de sujets classiques tout en précisant que de nombreux éléments relèveraient plutôt du législateur que de l’acteur local.

Historiquement, le département de la Gironde favorisait le service prestataire afin de privilégier l’emploi en dépit du fait que ce modèle soit plus coûteux pour la collectivité.
Aujourd’hui, le département essaie plutôt de trouver une alternative à ce modèle. En effet, sur l’aspect strictement financier, l’emploi familial coûterait six fois moins cher ! Quant à l’emploi direct, il nécessiterait une réflexion plus approfondie car de nombreux aléas ne sont pas forcément pensés et accompagnés.

Nous nous accordons sur le fait que cela constitue un problème pour les bénéficiaires.

Ces aléas entraînent de nombreuses dépenses uniquement liées à la dépendance. Dépenses que les services prestataires peuvent absorber plus facilement grâce à des tarifs horaires plus importants.

Monsieur SAINT-PASTEUR explique que les structures associatives ont souvent un pouvoir politique dans la sphère publique. En effet, il est plus facile de travailler sur la tarification de directeurs à élus (ayant une vision simple de l’aide à la personne) à travers un langage administratif et financier commun. De plus, les services prestataires sont inscrits dans des processus de financement au sein d’un système très normé.

Il oppose cela à l’emploi direct davantage connu pour du jardinage, baby-sitting, … Mais pas sur de l’aide à la personne, constat que j’ai partagé avec Madame la Députée Bérangère COUILLARD.
Du côté du département, il peut y avoir des doutes sur le fait que tout le monde ait conscience qu’être employeur induise des responsabilités. Je réponds que nous sommes nombreux à très bien gérer cela et s’entraider sur les réseaux sociaux. Il nous arrive d’accompagner de futurs employeurs dans leur démarche.

L’emploi direct apparaît comme étant plus anarchique, comment vérifier qu’il soit correctement effectué ? Tout comme l’emploi familial, où le Conseil Départemental peut craindre d’éventuelles mauvaises intentions familiales au détriment du bénéficiaire. Les quelques mauvais exemples portent préjudice devant l’administration.

Monsieur SAINT-PASTEUR m’informe qu’un plan supérieur à 6 heures quotidiennes est considéré comme un gros plan d’aide. Sur le département de la Gironde, nous sommes environ une centaine de personnes avec des plans d’aide de 24h/24. Le département ne fait pas spécialement d’économie sur la PCH et est plutôt généreux !
Il reconnaît l’importance de l’emploi direct par la relation de confiance, la qualité du service rendu notamment sur les populations ayant des plans d’aide importants. Pour autant, le niveau d’autonomie de la personne ne définit en rien sa capacité ou son incapacité à gérer l’emploi direct. Je précise donc que les services prestataires sont aussi nécessaires, nous nous accordons sur l’importance du libre choix qu’il ne faut pas fragiliser !

J’explique malgré tout qu’il est compliqué pour beaucoup d’entre nous de vivre en service prestataire et qu’en réalité le passage en emploi direct n’est pas un choix mais une nécessité : Il s’agit donc d’un non-choix ! J’ajoute que si les employeurs particuliers passaient tous par un service prestataire ce serait une véritable catastrophe économique et sociale. Les services prestataires n’auraient pas les moyens humains d’assumer tous ces plans d’aide, et cela coûterait une fortune au Conseil Départemental.

Monsieur SAINT-PASTEUR conclut que l’origine du problème vient des frais et des aléas engendrés par le code du travail. Pour autant, nous nous accordons sur l’importance et la conservation des droits des salariés. Je remets en cause le fait que les sommes dues le sont au titre de la dépendance et que le Conseil Départemental nous laisse sciemment cette charge. Alors que l’emploi direct contrairement aux services prestataires, bien mieux rémunérés pour une moins bonne qualité de service, ne coûte pas si cher au Conseil Départemental.

La réalité est que nous sommes nombreux à souffrir actuellement ! Tout cela en rapport avec notre dépendance, et concernant une population qui souvent n’a pas les moyens et ne vit que de l’AAH.

Une fois ce constat posé, quelle(s) solution(s) envisager ?

Les axes d’amélioration

Monsieur SAINT-PASTEUR partage avec moi l’envie de proposer une solution évitant de conduire les bénéficiaires à des situations anxiogènes et financièrement critiques.

Par ma proposition de bonification de 0,55 euros par heure, je souhaitais mettre en évidence le fait que des solutions existent. Nous analysons les diagrammes présentés à Madame la Députée Bérangère COUILLARD, en précisant que ma démarche est honnête. Monsieur SAINT-PASTEUR consent que les coûts liés aux restes à charge représentent peu par rapport aux économies réalisées mais dans l’absolu il s’agit de sommes non négligeables.
Selon lui, si on se limite à une réflexion d’extension de budget, que fait-on de l’argent qui n’est pas dépensé sur l’année ? Comment bloquer des crédits d’anticipation d’un coût qui ne va pas arriver de suite, s’il arrive ? En ce sens, il est très difficile de présenter à ses collègues cette bonification étant donnée l’évolution financière de la PCH. Il précise malgré tout que la demande est crédible !

Il s’agit de trouver la façon de rendre cela plus séduisant afin de faire passer le message sans crisper nos interlocuteurs.

La bonification est une allocation individualisée, certainement plus simple avec moins de coûts de gestion. Monsieur SAINT-PASTEUR propose de réfléchir à cela sous une dimension plus collective au niveau des employeurs particuliers. Par exemple, une mutualisation sous forme d’une caisse de prévoyance sur les frais engendrés.
Même si Monsieur SAINT-PASTEUR ne s’occupe plus directement du handicap, il est sur un portefeuille assez large comprenant l’action de la santé. À ce titre, le département a la volonté de mettre en place une mutuelle départementale de santé pour les populations qui en sont dépourvues. J’en profite pour proposer d’intégrer des tarifs avantageux pour le remboursement du matériel paramédical, cela fait partie de la réflexion !

Une mutuelle étant une protection sociale, ne pourrait-on donc pas inclure à cela notre réflexion sur la protection des employeurs particuliers dans le cadre de la PCH ? Selon lui, c’est un angle d’attaque intéressant !

Il tempère malgré tout en précisant qu’il ne s’agit pas de mettre en place un système permettant de faciliter le licenciement abusif. J’explique que tous les cas présentés ne rentraient pas dans cette catégorie et que ce n’est pas non plus ma volonté. Je précise ne considérer que ce qui était justifiable et justifié proposant même la présentation de justificatifs au Conseil Départemental lui permettant d’évaluer la légitimité des demandes.

Il n’est donc pas question de pouvoir licencier librement et abusivement les salariés, nous nous accordons sur la nécessité de cadrage des clauses de financement.

Comment cela pourrait-il fonctionner ?
Tout d’abord, en s’appuyant sur ce côté protection de l’employeur et de l’employé sur des gros plans d’aide, nous pourrions mobiliser des financements publics. Il faudrait évidemment bien cadrer cela afin de le contenir financièrement.
Ensuite, Monsieur SAINT-PASTEUR propose d’intégrer une cotisation financière de l’employeur afin de tempérer les éventuelles réticences de nos interlocuteurs. Je partage ce point de vue si la cotisation reste acceptable.

À titre d’exemple, j’ai évalué le risque annuel d’un plan d’aide 24h/24 à 4 500 euros. Une participation financière à hauteur de 10 % représenterait 450 euros annuels soit une cotisation mensuelle de 37,5 euros. On pourrait inclure des déductions en fonction des revenus, il s’agit de faire en sorte que la cotisation soit acceptable et soutenable… Intégrer cette participation de l’employeur mettrait en évidence notre bonne foi, resterait à trouver le bon modèle de financement.

Pour Monsieur SAINT-PASTEUR , ce système de caisse/mutuelle avec un modèle de cotisation « symbolique » et des finances publiques (le département est l’employeur indirect), cadré par des clauses répondant aux situations les plus importantes, lui semble très adapté.

Néanmoins, il ajoute que la solution la plus simple et la plus efficace serait une modification législative. Je réponds être d’accord avec cela, c’était la teneur de mon message à Madame la Députée Bérangère COUILLARD.

Pour conclure, le sujet des restes à charge est un problème connu, comment fait-on pour mettre en place un système de protection des employeurs et des employés ? Monsieur SAINT-PASTEUR propose de poser cette question dans le cadre de sa vice-présidence. C’est un beau sujet à traiter mais il ne doit pas être trop coûteux financièrement pour être absorbable.
Selon moi, si on parvient à mettre en place une solution au niveau de la Gironde, cela peut être un beau rayonnement et une belle vitrine pour le département sur la prise en charge du handicap. Cela peut inciter d’autres départements à aller en ce sens, mon but étant de proposer une solution au niveau national !

Malgré tout, Monsieur SAINT-PASTEUR ne souhaite pas me donner de faux espoirs, des choix politiques seront à faire… Nombreuses sont les demandes de budget supplémentaire.

La RERL (La République en Roues Libres)

Pour clore l’entretien, Monsieur SAINT-PASTEUR m’explique que lorsque l’on interpelle le département, c’est la force du nombre qui fait la différence…
Il me conseille de trouver un canal pour exister et avoir une voix plus forte car les arguments sont bons. De ce fait, il regrette que cette rencontre ait été informelle et non-institutionnalisée.

À titre d’exemple, lors de ma présentation à Madame la Députée Bérangère COUILLARD, je proposais la création de groupements d’employeurs particuliers qui puissent négocier des tarifs PCH. Il approuve l’idée et me demande si je suis en capacité de regrouper quelques personnes (une dizaine pour commencer) autour d’une démarche commune ? La création d’un collectif ?


Perspectives

  • La République en Roues Libres :
  • Réfléchir à la création d’un collectif
  • Monsieur Sébastien SAINT-PASTEUR :
  • Rédiger la feuille de route de sa vice-présidence en y intégrant ce sujet