Rencontre avec M. Frédéric ZGAINSKI

Suite à son changement de fonction, Madame Bérangère COUILLARD est remplacée par Monsieur le Député Frédéric ZGAINSKI. Nous le rencontrons pour poursuivre le travail commencé autour des nombreux restes à charge non considérés par la Prestation Compensatrice du Handicap (PCH), notamment pour les employeurs particuliers en situation de handicap. Nous souhaitons sensibiliser le nouveau gouvernement en place.

Présents :

Préambule

Nous présentons notre association ainsi que nos problématiques autour de la gestion de la dépendance et de l’aide humaine.

Nous déroulons également l’historique des différentes rencontres réalisées dans le cadre de notre campagne de sensibilisation, débutée en juillet 2021.

La Prestation de Compensation du Handicap

Une rapide présentation du fonctionnement de la PCH aide humaine est réalisée.

Les différentes modalités de l’aide humaine

Après que la MDPH ait statué sur les plans d’aide (l’attribution du nombre d’heures nécessaire au bénéficiaire), le service payeur du conseil départemental verse la PCH (Prestation de Compensation du Handicap) selon différentes modalités (Il y a également la modalité aidant familial que nous n’avons pas évoquée dans notre présentation car la problématique des restes à charge ne se pose pas). Ces modalités ont un coût différent pour les conseils départementaux. Le statut des bénéficiaires diffère également selon ces 4 modalités.

 /Coût pour le département (au 1e fev. 2022)Statut du bénéficiaireChoix des intervenantsPrise en charge des restes à charge
Service prestataire22€ (tarif socle)Il est usager du service prestataire. Le service prestataire est l’employeur.Le bénéficiaire ne choisit pas ses intervenants. Il peut y avoir un « turnover » importantOui
Service mandataire15,95€Il est particulier employeur. Le service mandataire ne se charge que de la gestion administrative.Le bénéficiaire choisit les intervenants qu’il embauche, mais peut aussi laisser le service mandataire se charger du recrutement.Non
Emploi direct14,50€Il est particulier employeur. Celui-ci gère entièrement l’administratifLe bénéficiaire choisit les intervenants qu’il embauche.Non
Tableau récapitulant les différentes modalités en lien avec le statut des bénéficiaires de la PCH

Le tarif de l’emploi direct est le même dans tous des départements alors que le tarif prestataire peut varier en fonction des négociations réalisées avec les départements.

En service mandataire et en emploi direct, le bénéficiaire a donc toutes les responsabilités et obligations légales qui incombent aux particuliers employeurs, sans avoir les moyens financiers de les respecter.

A l’inverse, le tarif horaire qui s’applique aux services prestataires, prend en compte l’intégralité du coût réel d’un salarié (salaire + frais divers liés à l’emploi d’un salarié).

Le choix de la modalité qui convient, un droit
Si ces quatre modalités présentent autant d’avantages que d’inconvénients, la pluralité du mode de prise en charge de l’aide humaine est une richesse et permet de s’adapter au mieux aux besoins individuels.

Nous insistons donc sur la nécessité pour les usagers de pouvoir avoir le choix sur l’une ou l’autre des modalités. Le choix ne doit pas se faire par contraintes financières.

Des services prestataires dysfonctionnels

De manière indirecte, les conseils départementaux privilégient le passage en service prestataire. Nous émettons l’hypothèse que les associations sont perçues comme plus « fiables » pour la gestion financière de la PCH, ce qui pourrait alléger les contrôles.

Néanmoins, nous faisons part de nos expériences personnelles et des nombreux retours de nos adhérents insatisfaits par les services rendus de plusieurs services prestataires. Il semble que la qualité de services ne soit que trop peu contrôlée. Il n’y a d’ailleurs aucun contrôleur où service de contrôle identifié au sein des conseils départementaux, par les bénéficiaires, qui se retrouvent alors démunis en cas difficultés et/ou de litige.

Monsieur ZGAINSKI évoque alors le système de certification ISO 9001 pour les entreprises, par un auditeur AFNOR. Monsieur Alex M. S., confirme que certaines associations ont aussi une certification AFNOR mais que cela ne garantit pas la qualité de service.

L’emploi direct

Nous abordons ensuite de manière plus détaillée les problématiques liées à l’emploi direct.

Des usagers précarisés
Après une présentation et une analyse de l’ensemble des restes à charge qui incombent aux particuliers employeurs, nous arrivons à la conclusion qu’une personne bénéficiaire de l’AAH (le montant actuel est de 956,65 €) avec un plan d’aide de 24h/24 devrait mettre de côté, 48 % de son AAH pour pouvoir couvrir ces frais.

Les restes à charge annuels s’élèvent approximativement à 12 000 €, ce qui correspond à 1,39 €/heure.

Le cas de Madame Maria T. qui devra payer très prochainement 14 000 € d’indemnités de licenciement, vient illustrer la situation complexe des particuliers employeurs. Pour résoudre ces difficultés, ils sont contraints de mettre en place des stratégies pour limiter l’augmentation des frais avec l’ancienneté tels que des ruptures conventionnelles, des CDD ou des abandons de poste (qui n’est plus une solution possible aujourd’hui), au détriment de la fidélisation des salariés, du bien être du bénéficiaire, ainsi que de sa sécurité.

Monsieur ZGAINSKI propose également la solution de la cagnotte participative pour faire face aux sommes importantes de restes à charge, mais nous nous accordons sur le fait que ces solutions ne sont pas de réelles solutions et qu’il faut donc les intégrer à la PCH.

Il existe un vide juridique concernant les restes à charge, rien n’y fait mention dans la loi.

Un passage en service prestataire massif irréalisable
Les conseils départementaux encouragent les nouveaux bénéficiaires et ceux qui se retrouvent endettés à s’orienter vers les services prestataires. Pourtant, les services prestataires coûtent au minimum 192 000 €/an alors que l’emploi direct n’en coûte que 140 000 €.

Une personne avec un plan d’aide de 24H/24 qui passerait d’un service prestataire à l’emploi direct permettrait 53 000 € d’économie au département. Cette somme pourrait financer les restes à charge, dont le montant est pourtant bien inférieur.

Faute de pouvoir payer ces restes à charge, beaucoup se tournent finalement et par défaut, vers les services prestataires. Au-delà du coût important que cela représente pour un département, un passage massif vers les services prestataires serait difficilement gérable en termes de ressources humaines.

En outre, beaucoup d’associations refusent les « petits » plans d’aide, ce qui contraint les usagers à passer par l’emploi direct même si ce n’est pas leur choix.

Des salariés pénalisés et un recrutement de plus en plus difficile

Les salariés sont aussi pénalisés par cette situation puisqu’ils n’ont pas accès à tous leurs droits. Madame Maria T. prend l’exemple des heures supplémentaires qu’elle n’est pas en mesure de payer lorsque ses salariées font des remplacements pour des arrêts maladies notamment. L’employeur étant en marge de la loi, il se met en danger d’un point de vue juridique avec des risques de poursuites.

Nous évoquons également la problématique des retards dans la mise à jour des tarifs. Lorsqu’il y a des augmentations salariales ou de PCH, les départements mettent parfois plusieurs mois à verser une PCH à jour sans rétroactivité possible. Il arrive donc à certains employeurs d’être hors-la-loi en ne respectant pas le minimum légal de salaire imposé par les nouveaux tarifs. Cette situation permet aussi au département de réaliser quelques économies au détriment des salariés et de leur(s) particuliers employeurs.

Ces difficultés majorent les problématiques de recrutements, les candidats acceptant de moins en moins de telles conditions de travail. Les salariés fuient le secteur de l’aide à la personne, ce qui peut, entre autre, engendrer des difficultés au sein de la famille, obligeant parfois le conjoint à cesser son activité professionnelle. Ceux qui n’ont pas de famille, se retrouvent en grand danger.

La situation est en partie liée à la dévalorisation (sociale et financière) du métier, un métier difficile qu’il est nécessaire de revaloriser. Nous rappelons d’ailleurs que les salariés en emploi direct n’ont pas pu bénéficier de la prime qui a fait suite à la crise sanitaire alors qu’ils ont, comme d’autres professionnels, maintenu leurs interventions.

Des espoirs entrevus… Vers une amplification des problématiques
Suite à nos entrevues avec Madame HAMMERER et des membres du cabinet de Madame CLUZEL, il avait été question de participer à des groupes de travail autour le PCH aide humaine et notamment, sur cette question des restes à charge. Il n’y aura pas eu de suite à cette collaboration.
Par ailleurs, des négociations avaient également été entamées à la fin de l’année 2021 et il y a bien eu une augmentation au 1er Avril 2022 avec un salaire qui est passé de 130 % du salaire horaire brut d’assistante de vie de niveau C à 140 %. Nous avions alors appris qu’il devait y avoir une circulaire sur la question des restes à charge, qui n’a finalement jamais été communiquée.
Avec la nouvelle convention collective (du 1er Janvier 2022), la nécessité d’augmenter la majoration de 5 % pour les salariés diplômés absorbe une partie de cette augmentation qui aurait pu être provisionnée pour les restes à charge.

La majoration de la nouvelle convention n’a donc pas été prise en compte dans l’augmentation de la PCH.

Pour l’heure, il n’y a toujours eu aucune annonce officielle sur la question des restes à charge.
L’absence de communication sur l’augmentation de la PCH a ainsi amené de nombreux particuliers employeurs à augmenter les salaires, comme cela a été indiqué par de nombreux conseils départementaux. Pourtant, l’augmentation des salaires amplifie la problématique des restes à charge étant donné que les indemnités augmentent aussi.

Nous regrettons qu’avec l’augmentation de la PCH au 1er Avril 2022, les restes à charge n’aient pas été pris en compte (notamment l’ajout d’une annexe avec une liste de restes à charge).

Une inégalité territoriale
La disparité des modalités de contrôle entre les divers départements complique également la gestion de la PCH pour les particuliers employeurs. Dans certains départements faisant preuve de plus de souplesse, il est, en effet, possible de provisionner une petite somme mensuelle pour la prise en charge de certains frais. À ce sujet, nous envisageons de réaliser un audit auprès de plusieurs départements en France, et plus particulièrement auprès des contrôles d’effectivité.
Selon Monsieur ZGAINSKI ce système de provision est mis en place à l’Assemblée nationale dans le cadre du budget alloué aux députés pour l’embauche de leurs collaborateurs. Ce système leur permet ainsi de financer les imprévus. Il semble d’ailleurs que le système de gestion se rapproche de celui des bénéficiaires de la PCH en service mandataire.

Nous nous accordons ainsi sur le fait que le système de provision peut être une solution pertinente.

Axes d’amélioration de la PCH

Le financement des restes à charge via un système de provision : Comme évoqué plus haut, nous proposons que l’état et/ou le département légifèrent et prennent en charge ces restes à charge via un système de provision qui serait libéré dès que le bénéficiaire ferait face à ces frais. Les indemnités peuvent en effet se cumuler sur plusieurs années, mais cette provision ne serait pas forcément utilisée.
Nous proposons de distinguer deux types de reste à charge :
  • Les restes à charge annuels identifiables sur une année, qui doivent être intégrés au tarif horaire de la PCH en libre gestion des employeurs particuliers, au même titre que le paiement des salaires et des charges patronales.
  • Les restes à charge ponctuels qui doivent faire l’objet d’un système de provision au sein des conseils départementaux. Ceci permettant de prendre en considération tous les surcoûts liés à la gestion de l’emploi direct (notamment les fins de contrat) sans limite dans le temps.

La prise en considération de ces restés à charge est pour le moment évaluée autour de 1,50 €/h. Notons qu’avec 1,50 € de plus, nous sommes loin du différentiel entre le tarif/h en prestataire et le tarif/h du particulier employeur. Nous proposons la mise en place d’un cadre réglementaire intégrant une liste de reste à charge.

Extension de la PCH jusqu’aux deux mois après le décès de l’employeur : Le décès de l’employeur étant une situation très spécifique, celle-ci doit être traitée de manière spécifique. Lors de nos échanges avec Madame HAMMERER et Monsieur LE BAYON, cela semblait être plus simple à mettre en place et faisable « rapidement ». Nous n’avons malheureusement pas eu de nouvelles depuis sur ce sujet.

Améliorer le circuit de communication pour diffuser l’information : Le ministère communiquerait ses directives aux conseils départementaux qui communiqueraient à leur tour aux particuliers employeurs, en amont, avant effectivité des changements actés.

Une dématérialisation des échanges : Un peu sur le modèle de ce qui est fait sur le site de pôle emploi, elle permettrait de faciliter le contrôle des conseils départementaux et le déblocage des fonds pour frais exceptionnels (parmi la liste des restes à charge).  Il y aurait un système d’information dédié à la PCH.

Une revalorisation du métier d’auxiliaire de vie.

Une harmonisation des MDPH.

Conclusion

Le financement des restes à charge est un investissement vertueux. En prenant en compte les restes à charge, certains bénéficiaires pourraient s’autoriser à s’orienter à nouveau vers l’emploi direct, ce qui permettrait aux départements de réaliser des économies. La prise en charge de ces frais, favoriserait également la stabilisation des emplois des auxiliaires de vie et leur fidélisation, apportant alors une sécurité aux particuliers employeurs.

L’accessibilité à la vie sociale et professionnelle c’est avant tout avoir accès à l’aide humaine pour pouvoir se lever et répondre aux besoins vitaux et essentiels. Sans ces fondamentaux, nous ne pouvons pas participer à la vie de la cité.


Perspectives

  • La République en Roues Libres :
  • Relancer l’Association des Départements de France pour sensibiliser aux problématiques de la PCH et des restes à charge du particulier employeur
  • Relancer Monsieur Jean-Luc GLEYZE, Président du conseil départemental de la Gironde, membre de l’Association des Départements de France
  • Contacter Madame Geneviève DARRIEUSSECQ, Ministre déléguée auprès du ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées, chargée des Personnes handicapées
  • Contacter Monsieur Bernard GARRIGOU, Conseiller départementale du canton Pessac-1
  • Contacter Madame Laure CURVALE, Conseillère départementale du canton Pessac-1
  • Contacter Madame Agnès DESTRIAU, Conseillère départementale du canton Pessac-2
  • Poursuivre la campagne de sensibilisation auprès d’élus locaux, des autres départements de France et des médias 
  • Monsieur Frédéric ZGAINSKI :
  • Se renseigner sur les sources de financements de la PCH
  • Faire le lien entre l’association et Madame Geneviève DARRIEUSSECQ, Monsieur Bernard GARRIGOU, Madame Agnès DESTRIAU et Madame Laure CURVALE